Récit d'un enfant CODA
- Anonyme
- 11 mai 2021
- 3 min de lecture
Dernière mise à jour : 6 oct. 2021
Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un enfant CODA, c’est l'abréviation de Child Of Deaf Adults. (Enfant de parents sourds)
Et oui, toute ma vie j’ai grandi avec l’usage complet de mes oreilles, mais ma langue maternelle c’est la langue des signes. Pour moi, vivre avec la langue des signes c’est quelque chose d’unique et qui me définit. Bien que j’ai l'occasion de parler et d’entendre tout ce que les gens peuvent me dire, je comprends et je vois au quotidien les frustrations que la communauté malentendante et sourde peut rencontrer.
Le plus difficile c’est l’impuissance face à une situation. Quand on voit par exemple ses parents bien intentionnés essayer d’expliquer à une réceptionniste impatiente sa situation et que l’incompréhension demeure. La chance pour mes parents, j’étais là pour pouvoir interpréter. Mais je pense à tous les autres qui n’ont pas cette chance. VOUS ÊTES BONS ! NE LÂCHEZ PAS !
Les enfants CODA appartiennent à la culture sourde, en raison de la fréquence à laquelle il pratique la langue des signes et de leur participation à la vie sociale de la communauté sourde. Ils ne partagent pas tous les éléments, mais ils en partagent l’essence : la langue. Grandir comme entendant dans un monde de sourds correspond à une expérience très singulière. Être un enfant CODA c’est être de ceux qui peuvent augmenter le son de la musique à son maximum, sans avoir peur d’être inquiété. Être un enfant CODA c’est aussi de pouvoir crier les bêtises que l’on veut à ses frères et sœurs sans preuve qu’on l’a vraiment fait. Le rêve vous me direz.
Mais être un enfant CODA c’est aussi devoir répondre systématiquement au téléphone, à la porte et devoir prendre un ton contrarié face au service clientèle très adulte de Mastercard alors qu’on a 12 ans.

Être un enfant CODA c’est de devoir se déplacer en plein après-midi de samedi à l’âge de 10 ans pour négocier la marge de crédit face à un banquier requin dont la patience a ses limites.
C’est aussi de devoir à l’âge de 5 ans courir à l’urgence, expliquer à sa mère de par ses petites mains ce que veut dire une appendicite. L’expliquer en gardant son calme.
L’expliquer sans même comprendre que sa propre mère n’est plus en danger.
Ce que mes parents et moi on a vécu : C’est toute une aventure.
Toutes les enfances le sont, rassurez-vous. Mais la relation d’un parent envers son enfant en est une de dépendance. Le parent donne les acquis nécessaires à l’autonomie de son enfant pendant presque 2 décennies. Mais dans la relation parent-enfant CODA, on atteint un stade ou on réalise sans vraiment se le dire, mais bien juste par un simple regard que nous sommes entre nous liés par quelque chose d’inexplicable. On apprend à être une famille, de meilleurs amis mais surtout des alliés. On devient interdépendants. Mais être un enfant CODA c’est surtout de grandir dans un tout autre monde ! Un monde où le téléphone flash, la sonnette allume les lumières et/ou le système d’alarme est aussi sophistiqué qu’une centrale nucléaire. Une vraie culture à part. Je ne suis pas un professionnel de la langue. Mais La langue des signes québécoise c’est ma langue. La langue que mes parents m’ont enseignée. Celle qui a permis tout le reste et qui est à l’origine de tout. Celle qui me permet d’être qui je suis.




Wow ! Super texte. Je m'identifie beaucoup à ce texte ! Une super belle lecture.